Prendre place et livrer la marchandise
Plusieurs observateurs estiment qu’être gardien de but au hockey est le poste le plus difficile qu’on puisse occuper dans le monde du sport. Si c’est le cas, quand on devient la personne désignée pour remplacer à cette position, parfois sans aucun préavis, cela ajoute au caractère imprévisible de la tâche.
Comme le frappeur suppléant au baseball ou le sixième joueur au basketball, la capacité du gardien réserviste à s’amener du banc et à donner une bonne performance représente un des plus grands défis dans le monde du sport, car il faut être fort mentalement et bien préparé.
Heureusement pour les deux équipes qui représentent la LHJMQ à la Coupe Memorial 2019 présentée par Kia, les Huskies de Rouyn-Noranda, champions de la Coupe du Président, et les Mooseheads de Halifax, hôtes du tournoi, elles peuvent chacune compter sur deux meilleurs joueurs à cette position spécifique.
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Le gardien réserviste des Huskies, Zachary Emond, est un cas rare au sein de la confrérie des gardiens. Ce vétéran a vécu une longue période d’apprentissage au niveau junior, et il a obtenu sa récompense en étant non seulement couronné champion de la ligue cette saison, mais en affichant aussi quelques-unes des meilleures statistiques dans la LHJMQ cet hiver.
Sa fierté, elle réside toutefois dans l’effet que ses chiffres ont eu sur les succès de l’équipe.
« La priorité en ce qui me concerne, c’est le succès de l’équipe et de remporter des matchs, » souligne l’athlète de 18 ans originaire de Saint-Cyprien, au Québec. « Mon rôle, c’est d’être positif en tout temps et d’être prêt quand c’est à mon tour de jouer. Quand l’équipe a besoin de moi, je suis toujours là. »
Ce serait un euphémisme de dire qu’Emond était prêt à occuper le poste de gardien partant cette saison.
En 27 sorties de saison régulière, il a affiché un dossier de 24-0-1 avec une moyenne de buts alloués de 1.73 et un taux d’efficacité de .932%. Il a par ailleurs enregistré sept jeux blancs, un sommet dans la ligue. Tout cela après avoir été réclamé par les Sharks de San Jose au sixième tour du Repêchage de la LNH de 2018.
Emond accepte les responsabilités qui viennent avec sa situation et celle de son équipe, et ce, avec le même sérieux que le font les jeunes athlètes d’exception.
« Ç’a été une saison importante, » a souligné le gardien qui en était à sa deuxième saison complète avec les Huskies. « J’y allais un match à la fois et je tentais de contrôler seulement ce que je pouvais contrôler. Je veux juste m’assurer d’être à 100 pour cent pour les matchs qu’on me donne la chance de jouer. »
Une des clés de ses succès, on la retrouve dans la même surface qu’il a protégée pendant un tiers de la saison historique des Huskies. La relation qu’il entretient avec le gardien partant Samuel Harvey est non seulement saine, elle est aussi un élément vital aux succès du groupe de l’Abitibi.
« Sam est un de mes meilleurs amis, donc ça aide beaucoup, » a fait remarquer Emond. « C’est très positif comme relation. Il y a de la compétition, mais c’est positif. On se pousse l’un l’autre à l’entraînement, mais on est fier l’un de l’autre aussi. C’est le plus important. »
Regardez les statistiques d’Emond et discutez avec lui, même pendant un bref instant, et ça deviendra vite évident : il sait exactement ce qui est le plus important, autant pour lui que pour ses coéquipiers.
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Les événements qui ont mené aux débuts de Cole McLaren en tant que gardien réserviste des Mooseheads de Halifax se sont déroulés sur une période de trois ans. Cette longue période d’attente lui a permis de bien se préparer. Reste qu’il ne faut pas sous-estimer tout le dur labeur que l’athlète a consacré à sa progression, et qui lui a permis de s’approcher de la confirmation de son poste.
« À l’approche de la présente saison, je savais que (Gravel) allait être le numéro un. On l’a vu tout au long des séries, il a été tout simplement incroyable, » a noté McLaren. « Quant à moi, j’ai abordé la saison en me disant qu’il fallait juste performer dans les matchs qu’on me donnait et être prêt quand l’entraîneur avait besoin de moi. »
Et ses matchs, il les a effectivement bien disputés. McLaren a conclu la saison 2018-19 avec une fiche de 16-2-1 en 21 rencontres, accompagnant le tout d’une moyenne de 1.81, d’un pourcentage d’arrêts de .930% et de quatre blanchissages.
À une certaine époque, on ne s’attardait pas trop au poste de gardien réserviste, et ce, à tous les niveaux du hockey. Il y a 23 ans seulement, on avait un gardien comme Grant Fuhr qui était envoyé devant le filet pour 79 matchs du calendrier régulier, comme l’avaient alors fait les Blues de St. Louis dans la LNH. Il y a deux générations à peine, une équipe n’alignait qu’un gardien au sein de sa formation. Mais de la même façon que le gardien réserviste est devenu une considération plus importante au sein d’une équipe, l’approche que ces gardiens auxiliaires adoptent dans le but d’exceller a elle aussi évoluée.
Cole McLaren n’y fait pas exception.
« Je cherche juste à m’assurer, chaque fois que je suis sur la glace et chaque fois que je m’entraîne en gymnase, que j’y vais à 100 pour cent et je travaille pour devenir meilleur, » a-t-il indiqué. « Tu ne sais jamais quand on fera appel à toi, alors je dois considérer chaque séance sur glace comme une situation d’avant-match et m’assurer d’être prêt mentalement à jouer. Tu dois toujours être prêt parce que tu ne sais jamais ce qui peut arriver. »
Peu importe quelle position on occupe, faire son entrée dans le vestiaire pour la première fois en tant que joueur régulier peut être intimidant. Mais avant même de se voir conférer un tel statut, McLaren avait trouvé réconfort auprès du joueur avec qui il partage maintenant les tâches de gardien, c’est-à-dire le partant des Mooseheads et espoir des Blackhawks de Chicago, Alexis Gravel.
« ‘Graves’ a été tout simplement formidable comme partenaire devant le filet, » a indiqué l’athlète originaire d’Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse. « Dès le moment où je suis arrivé (à mon premier camp d’entraînement) à l’âge de 16 ans, il a été super accueillant et très gentil. Ça m’a beaucoup aidé, surtout à l’approche de la présente saison, de savoir que j’avais un ami en lui. Ç’a été bon pour ma confiance en vue de la campagne. »
Le passage de McLaren du midget au junior A, puis au junior majeur, a été facilité par sa façon de créer une bulle autour de lui. Mais il a aussi été aidé par sa manière à s’adapter au niveau de jeu où il évolue, chose qu’il a certainement prouvé à sa première campagne complète dans la LHJMQ.
« Il y a tellement plus à faire dans le junior majeur. L’organisation a beaucoup plus investi en toi et tu dois investir en retour dans l’organisation », a fait remarquer McLaren.
Cette approche réciproque a été un ingrédient important dans la recette à succès du joueur qui occupe peut-être le poste le plus complexe au sein de l’équipe. En vérité, Cole McLaren, un jeune homme qui vient du cœur de la communauté agricole néo-écossaise, a récolté ce qu’il a semé.